A la demande de Joffre, Paul Doumer, sénateur et futur Président de la République, se rend en Russie à Petrograd en décembre 1915, auprès de l'allié russe. Les massacres de 1914 et 1915 ont décimé les armées françaises qui connaîssent une pénurie d’hommes. Paul Doumer vient demander au Tsar Nicolas II des hommes pour les envoyer au front afin de renforcer les armées françaises en difficulté. La Russie faute de moyen matériel ne peut pas utiliser tous les hommes en âge de se battre. La France compte puiser dans l'immense réservoir humain de la Russie et demande 40 000 hommes par mois! En parallèle la délégation française promet 450 000 fusils aux armées de Tsar. Elle obtiendra "seulement" 45 000 soldats dont 750 officiers, qui seront armés et équipés par elle. Deux brigades seront envoyées en France ( les première et troisième) et deux autres dans les Balkans (les deuxième et quatrième). La première brigade des soldats russes part de Moscou et rejoint la France en passant par l'Asie. Elle débarque en France, à Marseille, le 20 avril 1916, portant le casque français frappé d'un aigle bicéphale. Ils sont alors acclamés comme sauveurs par la population française. Dès leur arrivée, ils sont envoyés au front en première ligne. Le 25 avril, ils sont déja à Mailly et affectés au secteur de Suippes et d'Aubérive où ils furent par la suite remplacés par la troisième brigade en octobre 1916.
Au début de 1917, les deux brigades commandées par le général Palitzine participent aux offensives meurtrières du Général Nivelle. C'est une boucherie, 4 700 soldats russes sur environ vingt mille sont tués ou blessés. Ces tueries marquent un tournant dans la guerre : après elles, les mutineries se généralisent aussi bien dans les armées française et allemande que parmi les appelés russes.
Pour éviter une mutinerie des russes, ils sont envoyés dans les Vosges et en Haute Marne. Mais dès qu'ils ont connaissance de la révolution russe de février 1917, le contingent Russe connait des tensions extrémes. Si les russes blancs acceptent de continuer à se battre en France, les russes rouges veulent rejoindre leur pays et se battre pour la Révolution. Suivant l’exemple des soviets russes, des comités sont créés par les soldats mais aussi par des civils russes exilés. Les défilés des soldats russes du 1 er mai 1917 tourne à la rebellion : sur les drapeaux certains soldats russes ont inscrit "LIBERTE". Le commandement militaire français s’inquiète de la possible contagions des idées révolutionnaires sur les soldats des armées françaises, dont certaines sont en rebellion larvée. Il décide immédiatement de les isoler. Les russes seront alors déplacés loin du front, dans un ancien camp de prisonniers, le camp de La Courtine dans la Creuse. Ce camp de manoeuvres a abrité, au début de la guerre, les civils étrangers évacués de Paris et soupçonnés de sympathies avec l'Allemagne, puis ce sont des prisonniers prussiens qu'on y a enfermés.
A droite, c'est une photo de la mascotte des russes, l'ours Pervychine, il termina sa vie dans un zoo parisien, à partir de l'année 1920. Mais revenons à La Courtine en 1917 ; la première Brigade, composée majoritairement de soldats rouges, arrive fin juin à La Courtine, et la deuxième plutôt loyaliste début juillet. Dés leur arrivée les soldats russes de la première Brigade s'organisent pour rallier ceux de la deuxième Brigade et déclarent "Dès notre arrivée en France, on a considéré le soldat russe non comme un homme, mais comme un objet utile et n’ayant pour seule valeur que sa capacité au combat. Mais au premier combat, une partie d’entre nous perd cette valeur et suit le sort déplorable d’un fardeau inutile jeté dans les hôpitaux. Pour éviter cela, il faut s’unifier et catégoriquement refuser d’aller au front. [...] Nous exigeons qu’on nous renvoie en Russie, d’où nous avons été chassés par la volonté de Nicolas le sanglant. Là-bas nous serons du côté de la liberté, du côté du peuple laborieux et orphelin."
Le 8 juillet pour éviter le risque d'un ralliement de la deuxième Brigade, le Général Commandant du Corps Expéditionnaire Russe, décide de quitter le camp en compagnie de tous les officiers blancs et de dix mille hommes restés fidèles à ce jour.
Le camps de La Courtine devient le refuge de 10 000 soldats acquis à la révolution Russe et qui demandent de rentrer au pays. Les rebelles se baptisent “Courtintzi”. Ils choisissent eux-mêmes leurs chefs. Après Baltaïs, qui négocie sans résultat avec les émissaires de Kerenski leur retour en Russie, c’est un Ukrainien, Globa, parlant correctement le français, qui prend la tête des rebelles.
Pendant les négociations, les russes rouges fraternissent avec la population et participent aux travaux des champs, les hommes français étant au front . Effrayé par l’influence des russes en pleine rébellion, sur la population, l’État-major français envoie en août 3 000 soldats français pour isoler le camp de La Courtine. Les consignes sont strictes : utiliser la force pour réduire la rebellion. Les russes blancs sont alors fortement armés par les français. C'est eux qui doivent liquider la rebellion, les français se contentant de les "conseiller".
Le 12 septembre, la population civile est évacuée de la périphérie du camps. Le 14 septembre, le Général Commandant du Corps Expéditionnaire somme les mutins de se livrer. Aucun mutin ne s’y résout. Pendant que des mutins, à la demande de Globa, jouent la Marseillaise et la Marche Funèbre de Chopin, les premiers obus tombent sur le camp, les mutins se protégent dans les casernes. Le lendemain, les coups de canons reprennent. Les redditions se multiplient, mais une centaine des plus déterminés, assiégés et bombardés, résistent. Enfin, le 19 septembre, les derniers mutins sont pris et Globa est arrété.
Le bilan serait d'une dizaine de morts et de soixante blessés, l'armée minimisera toujours cette rebellion et gardera le secret sur cet épisode peu glorieux. 80 meneurs seront incarcérés dans un bâgne. Puis l'armée proposa aux soldats de s'engager dans l'armée française à défaut ils pouvaient accepter de travailler dans les armées française mais sans porter les armes, la dernière alternative etant l'internement dans un camps en Algérie. A peine 400 officiers blancs et soldats continuerent à se battre à côté des armées françaises, 12 000 deviendront des travailleurs au service des armées française et 5 000 seront déportés en Algérie dans des camps.
A la fin de la guerre, certains soldats rentreront en Russie gràce à des échanges de prisonniers, d'autres s'installeront en France. On peut voir des tombes de soldats russes dans les cimetières de Cerny, Pontavert et à Saint Hilaire le Grand.
Sources: Article de Rémy Cazals pages 217 à 225 du livre "Le chemin des Dames" sous la direction de Nicolas Offenstadt
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Documents : Tract N° 1 diffusé par les soldats Russes le 22 juin 1917.
"Dès notre arrivée en France il y a un an et demi des bruits couraient que nous avions été achetés pour des munitions. Ces bruits se multipliaient de plus en plus et enfin on considérait le soldat Russe pas comme un homme, mais comme un objet. Les blessés, les malades on les traitaient d'une manière révoltante et de plus on leur appliquait une discipline de prison. Cela ne peut pas être autrement: le malade, le blessé cet homme incapable pour le service en d'autres termes un objet inutile. Donc, avec un objet inutile, il ne faut pas et ce n'est pas reçu de faire des façons.
Nous, soldats bien portants, pour le moment nous sommes objets utiles ayant son prix qu'on appelle la capacité pour le combat. Mais au premier combat, une partie de nous perdra ce prix, on les blessera et cette partie donc suivra le sort déplorable des objets inutiles jetés dans les hopitaux. Chacun de nous attend ici une telle possibilité, mais chacun de nous veut l'éviter. La seule ressource pour cela: c'est de s'unifier et catégoriquement refuser d'aller sur le front français. Et nous, nous sommes décidés à cela. Aucune assurance des chefs, des nôtres et ceux des français, nous forceront de renoncer à cette décision. Pendant plus de 2 mois on nous répète que la situation des blessés s'est améliorée, et, pourtant, on ne voit pas de résultat. Au contraire, dans les dizaines de lettres que nous recevons chaque jour des hopitaux on n'entend qu'une lamentation continue de la situation sans issue. Des blessés qui rentrent approuvent unanimement cela. La notre situation avant le coup d'Etat était pénible, c'est qu'après lui elle s'est encore empirée. Le laborieux peuple Russe témoigne une grande pression au profit de la paix. Mais cela n'est pas du gout de la France bourgeoise; sachez que pour elle, la guerre est avantageuse, elle lui apporte des intérêts. Voilà pourquoi, la majorité des français se trouvant sous l'influence de sa bourgeoisie, se montre pour nous au plus haut degré méfiante nous insulte et nous humilie.
Enfin irrésistiblement nous sommes attirés vers la Russie; l'amour du pays natal, vers les parents et vers ceux qui nous sont chers. Que nous puissions encore une fois embrasser notre femme, caresser nos enfants, voir les chers visages de nos parents avant la mort. Voilà de quoi sont altérés nos coeurs.
Le dur militarisme n'a pas étouffé ces sentiments. Non ces sentiments s'enflamment de plus en plus et rien qui ne nous donne satisfaction alors nous ferons voir notre force pour poursuivre le combat.
Donc encore une fois, nous prions, nous exigeons et nous insistons qu'on nous renvoie en Russie. Envoyez nous là, d'où nous avons été chassés par la volonté de Nicolas le sanglant. La bas en Russie, nous saurons être et nous serons du côté de la liberté, du côté du peuple laborieux et orphelin.
Là, c'est avec la plus grande des joies que nous livrerons notre vie pour le grand et libre peuple Russe.
Sauf tout ce que nous avons dit, nous avons résolu de ne pas aller à l'exercice ici en france. Qu'on appelle ce pas illégal, criminel, nous n'avons pas d'autres moyens de nous faire entendre. Nous connaissons le prix de toutes ces promesses; nous savons que sans pression elles resteront mortes et non raisonnantes." ..................................................................................................................................................................................................................................................................................................Tract N° 2 diffusé par les soldats Russes
Camarades !
Refusez catégoriquement tout travail particulier et également d'aller au front. On nous trompe en nous disant qu'il n'y a pas de vaisseaux. Ce sont des mensonges ! Ils ne veulent pas nous renvoyer en Russie au secours de nos pères et de nos frères !
Le commandement s'efforce de nous employer de diverses manières et même de nous envoyer au front pour défendre la Bourgeoisie française.
Camarades ! sachez que l'heure est proche de notre retour tant attendu en Russie.
Tous en Russie! Hurrah ! A bas les tyrans !
Sources : Archives départementales de la Creuse. Orthographe d'origine.
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Par la suite, environ 8 000 soldats Russes, furent déportés dans un camps sur le bassin d'Arcachon d'octobre 1917 à mars 1918; 12 d'entre eux sont y sont enterrés au côté de 960 Sénégalais. Le terme Sénégalais désigne en fait des soldats de l'ancien empire français en Afrique (voir les 2 photos ci aprés).
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