Gertrude Harris, 93 ans, savoure sa victoire après l’annonce de la réhabilitation, à titre posthume, de son père. "Mon calvaire est terminé. Je suis heureuse que la réputation de courage de mon paternel ait été enfin rétablie", a déclaré la fille du soldat Harry Farr, fusillé, à l’âge de 25 ans, pour lâcheté sur le front de la Somme (France) en octobre 1916. Mort pour l’exemple, en état de choc après deux ans dans les tranchées, le soldat Farr faisait partie des 306 militaires britanniques exécutés.
Le ministre de la défense, Des Browne, avait annoncé, le 16 juillet 2006, un pardon global, par voie législative, au lieu d’examiner, après quatre-vingt-dix ans, les cas individuels. Au départ, le ministère de la défense avait ignoré les demandes répétées de réhabilitation introduites par Gertrude Harris qui entendait restaurer la mémoire de son père. Epaulée par sa fille Janet, la dame a bataillé âprement pour obtenir gain de cause malgré les rejets successifs de sa demande par des gouvernements de droite comme de gauche. Les pressions des organisations d’anciens combattants très puissantes outre-Manche et du lobby militaire, le mythe de l’héroïsme des tommies morts au champ d’honneur, l’importance des commémorations de la guerre 1914-1918, ainsi que l’hostilité de la presse conservatrice et de la famille royale étaient autant d’obstacles à la révision des procès.
En France, il aura fallu attendre novembre 1998 pour qu’un premier ministre socialiste, Lionel Jospin, réclame la réhabilitation des 49 mutins fusillés lors de la sanglante offensive du général Nivelle au printemps 1917. L’Elysée avait jugé cette initiative "inopportune". En Avril 2008 les élus du département de l'Aisne a demandé à la République, une reconnaissance des soldats fusillés pour l'exemple (voir l'article d'avril 2008).
Au Royaume-Uni, les esprits ont évolué plus rapidement. Même le Daily Telegraph, quotidien proche des cercles militaires, applaudit cette reconnaissance juridique : "Il ne s’agissait pas de déserteurs agissant avec préméditation et de manière rationnelle, mais de combattants rendus fous par la souffrance. Cette décision reflète un changement bienvenu dans notre attitude vis-à-vis de la vie et de la mort sur le champ de bataille."
Cette décision ne fait toutefois pas l’unanimité comme l’atteste l’hostilité de l’historien militaire Correlli Barnett envers cette réintégration dans la mémoire nationale, "prise en fonction de considérations morales d’aujourd’hui qui ne tiennent pas compte des circonstances sociales et militaires de l’époque".
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