La Mère, représente la ville de Strasbourg, elle tient ses deux fils mourants sur ses genoux. L'un regarde en direction de la France, l'autre vers l'Allemagne. Ils sont tombés après avoir combattu l'un contre l'autre mais devant la mort, ils se donnent la main. L'absence d'uniforme rend le drame de Strasbourg et de l'Alsace encore plus pathétique. La seule inscription sur le monument est : "A nos morts".
Le monument est dû au sculpteur Léon-Ernest Drivier. Né à Grenoble en 1878, il passa à l'Ecole des Beaux-Arts, puis entra en 1907 dans l'atelier de Auguste Rodin. En 1918, il modela le buste officiel de la France victorieuse. Des oeuvres de Drivier sont conservées dans les musées de Paris, au Trocadéro avec la Joie de Vivre (1937), et au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris avec la Muse allongée, (1937), ainsi qu'à Lyon, Grenoble, Alger, et Washington entre autres. Sa première manière s'apparentait au néo-romantisme, puis il se rapprocha du néo-classicisme de Despiau. Il s'est éteint à Paris en 1951 à l'âge de 73 ans.
L'inauguration du monument aux morts a eu lieu le dimanche 18 octobre 1936, en présence d'Albert Lebrun, le Président de la République. Aprés le discours classique du Président de la République, la parole est donnée à Henry Lévy (1871 - 1937), Maire Adjoint de Strasbourg et notable local, qui est à l'initiative de ce monument.
Voici un extrait de son discours.
"Monsieur le Président de la République. Dans l'hommage que vous nous faites, l'insigne honneur apporter à la France tout entière, personnifiée par son premier magistrat, c'est du fond du coeur, que le comité du monument aux morts de Strasbourg, vous prie d'agréer l'expression de sa respectueuse et profonde reconnaissance. Nous assurons également de notre gratitude les représentants du gouvernement : M. le ministre de la santé publique et M. le sous-secrétaire d'État à la présidence du Conseil. Nos plus sincères remerciements s'adressent aussi à notre municipalité aussi bien l'ancienne que l'actuelle municipalité, autour de Charles Frey à partir du 18 mai 1935 qui, en mettant à notre disposition ce bel exemple de la place de la République, nous a permis de doter notre ville d'un monument digne des sacrifices qu'il commémore, digne aussi de son patrimoine artistique, l'hommage unanime à nos morts. Le visiteur parcourant notre ville, pouvait s'étonner de n'y point trouver comme dans toutes les communes de France même les plus petites, le monument à ses morts de la grande guerre, tombés pendant quatre années d'une lutte sans merci, sur la terre de France, de Belgique, sur les steppes glacées du front russe ou dans les tranchés d'Orient, ou disparus sur les mers lointaines.
Il semblait qu'une page manquât à l'histoire de Strasbourg, si étonnamment fidèle cependant à son passé. Et quelle page. La plus émouvante et la plus tragique.
Pourtant nous savons bien que Strasbourg ne laissera jamais s'éteindre la flamme du souvenir et que nulle part peut-être, n'est restée aussi vivace dans les coeurs la mémoire de ceux qui sont tombés, car nous avons connu chez nous l'une des faces les plus douloureuses de la guerre. Celle qui oppose les uns aux autres, comme des ennemis, des frères séparés par l'annexion de 1871 et qui se retrouveraient pour se combattre. Le sculpteur Drivier a admirablement su exprimer - et nous l'en remercions chaleureusement -, le symbole que nous attachons à cette oeuvre et que nous lui avons demandé de réaliser : toute cette tragédie est évoquée dans la douleur que reflète cette belle figure de femme non seulement symbole de la patrie, mais symbole aussi de l'humanité meurtrie... recueillant avec une émouvante sollicitude deux guerriers mourants, tombés sous les plis de deux drapeaux, mais, dont les mains se cherchent pour s'unir dans une suprême étreinte.
Chacun ressentira profondément la grande pensée qui se dégage de cette oeuvre et puisse-t-elle être pour ceux qui nous suivront un objet de méditation ainsi qu'un enseignement. Je voudrais que l'écho des sentiments qui nous animent soit porté plus loin par les flots du Rhin, et que ce monument soit une pierre à l'édifice de la paix, qu'il soit un appel à l'union des peuples, à une fraternité fondée sur la justice et le respect des droits en même temps qu'un acte de foi dans les destinées de notre pays."
La teneur du discours peut paraître utopique pour l'époque vu la montée du nazisme. Henry Lévy est simplement en avance sur son époque et c'est en 1949 avec la création du Conseil de l'Europe que sa vision utopiste devient la réalité.
Autres oeuvres de Léon-Ernest Drivier:
Les Muses réalisées en 1937 au Trocadéro.
"La joie de vivre" en 1937 au Trocadéro.
Palais de la Porte Dorée.
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