" Le 10 mars 1915 à cinq heures du matin, après deux mois d'accrochages sans résultat tangible dans le secteur et deux récentes attaques infructueuses, les poilus de la 21e compagnie du 336e régiment d'infanterie, reçoivent l'ordre d'attaquer de nouveau à la baïonnette et de reprendre les positions ennemies établies au nord du village de Souain.
Devant eux, le terrain est déjà jonché de cadavres et se trouve directement pris sous le feu des mitrailleuses allemandes. De plus, la préparation d'artillerie habituelle avant l'attaque, au lieu de secouer les positions allemandes, envoie ses obus sur la tranchée française et laboure le terrain d'assaut. Dans ces conditions, les hommes de la 21e Compagnie, épuisés après plusieurs jours de tranchée, démoralisés par les précédents insuccès, et ayant sous les yeux le spectacle des cadavres de leurs camarades tombés dans les fils de fer intacts, refusent, ce jour-là, de sortir des tranchées.
À cet instant précis, il est clair qu'ils anticipent l'échec et l'inutilité d'une attaque qui les voue à une mort certaine. Tout soldat paraissant sur le parapet étant immédiatement atteint par les balles. Plus tard, le bombardement des tranchées françaises fera l'objet d'une polémique, à la suite d'un témoignage : Le général Réveilhac, ordonnateur de l'attaque, aurait demandé à l'artillerie de pilonner les positions française pour obliger les soldats à sortir de leurs tranchées.
Suite à la désobéissance des hommes de la 21e, le général Réveilhac exige des sanctions. Le capitaine Equilbey, commandant de la compagnie, est alors tenu de transmettre à ses supérieurs une liste portant les noms de 6 caporaux et de 18 hommes de troupe, choisis parmi les plus jeunes, à raison de deux par escouade. Le 15 mars, le général donne l'ordre de mise de jugement directe des 24 hommes désignés.
Le procés :
Le 16 mars, les inculpés comparaissent devant le Conseil de guerre demandé par le général Réveilhac avec le motif : « refus de bondir hors des tranchées ». « Quiconque montait devait être fauché littéralement soit par les nôtres, soit par le feu des mitrailleurs allemands », déclarera le caporal Maupas lors de son interrogatoire. Le verdict acquitte les 18 hommes du rang et 2 caporaux (Gosselin et Lorin). Seuls 4 autres caporaux, tous originaires de la Manche sont condamnés à mort le 16 mars 1915. Si le refus de sortir des tranchées était indiscutable, la faute était partagée entre tous les hommes et le choix de ces 4 caporaux fut totalement arbitraire. Ils étaient tous coupables ou aucun ne l'était.
Le lendemain, 17 mars 1915, en début d'après-midi et deux heures environ avant que n'arrive le recours en grâce qui commuait la peine en travaux forcés, Théophile Maupas, 40 ans, instituteur de Le Chefresne, Louis Lefoulon, 30 ans, cheminot aux Chemins de fer de l'Ouest à Caen, Louis Girard, 28 ans, horloger, originaire de Blainville résidant à Paris et Lucien Lechat originaire de Le Ferré, 23 ans, garçon de café à Vitré sont fusillés par leurs camarades du 336e d'Infanterie à la Ferme de Suippes.
Maupas, marié, avait 2 enfants; Lefoulon un et vivait en concubinage. Girard, marié, avait aussi un enfant, seul Lechat était célibataire.
Dès la fin de la guerre, la veuve de Théophile Maupas, soutenue par la Ligue des droits de l'Homme contactée dès le mois d'avril 1915, entama un combat pour la réhabilitation de son époux et des autres caporaux fusillés de Souain; combat contre les institutions, mené sans relâche, qui dura près de deux décennies et qui, en dehors de son activité d'institutrice, l'occupa à plein temps. Le 11 avril 1920, le ministère de la justice refusait d'examiner le dossier. Le 26 mars 1922, le dossier des caporaux de Souain était rejeté par la Cour de Cassation qui jugeait sur la forme sans trouver à redire sur le fond, puis une seconde fois le 21 avril 1926. Blanche Maupas créait alors le « Comité Maupas » qui deviendrait en 1928 « Comité national pour la réhabilitation des victimes de guerre ».
Par deux fois, malgré le long travail d'enquête, l'accumulation des témoignages et l'épaisseur des dossiers constitués par Blanche Maupas et la Ligue des Droits de l'Homme, les demandes de réhabilitation avaient été rejetées. Eulalie Lechat, la sœur du caporal Lechat, avait elle aussi créé un comité en 1923 avec l'aide de la Ligue des Droits de l'Homme. Le caporal Lechat fut ré-inhumé au cimetière du Ferré le 16 octobre 1924. Pendant plusieurs années, des meetings furent organisés dans toute la France; la presse régionale et nationale ne cessa de parler de l'affaire et les soutiens affluèrent de dizaines d'associations de mutilés de guerre et d'anciens combattants. Il y eut de nombreuses signatures de motions, des protestations devant la chambre des députés, toutes demandant la réhabilitation des caporaux de Souain.
Il fallut cependant attendre jusqu'au 3 mars 1934 pour que la Cour spéciale de justice accepte de juger sur le fond et donne un avis favorable à la réhabilitation des 4 caporaux de Souain. Cette cour, nouvellement instaurée pour examiner les dossiers en suspens des Conseils de guerre, comprenait, à côté des juges et à parité, des représentants des anciens combattants. Les épouses des fusillés reçurent le franc symbolique au titre de dommages et intérêts, mais l'essentiel était que ces 4 hommes soient réhabilités dans la mémoire des Français et que leurs veuves puissent enfin faire valoir leurs droits à pension. Blanche Maupas avait pu, à titre individuel, obtenir cette compensation dès 1921.
En 1925, à Sartilly, (Manche), lieu où Théophile Maupas avait été ré-inhumé en août 1923 en présence de 5 000 personnes, fut érigé un monument à la mémoire des Caporaux de Souain. Le nom de Maupas fut également donné à des rues, à Villeurbanne, Bréhal, où il avait enseigné, en 1970, Sartilly en 1995. L'école de Percy porte le nom de « Blanche et Théophile Maupas » depuis 1998.
Le film de Stanley Kubrick, Les Sentiers de la gloire, qui reste une fiction relative aux fusillés pour l'exemple de la Première Guerre mondiale, s'est inspiré en partie de ce fait réel. Un livre, Pour l'honneur de Théo et des caporaux de Souain, écrit par Jacqueline Laisné, l'institutrice qui prit la suite de Blanche Maupas dans son école, raconte également cette histoire. Blanche Maupas, décédée en 1962, avait aussi écrit un livre, paru en 1933, Le Fusillé, dont la réédition en 1994 comporte des illustrations de Tardi."
A la fin de la guerre, le général de division Réveilhac fut fait Grand Officier de la Légion d'honneur, de retour dans sa région d'origine, il mourrut paisiblement dans son lit en 1937.
Source : Wikipédia.
Bonjour,
En réponse au dernier post.
Il existe un site qui rassemble les actes de déces :
http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/index.php
On y retrouve Lechat, Maupas
Pour Gourseaud, rien toutefois. Si recherche approfondie, écrire au modérateur du site
Cordialement
Kristus
Rédigé par : Kristus | mardi 04 janvier 2011 à 10h17
Bonjour,
Mon arrière grand père a été fusillé : GOURSEAUD; j'ignore son prénom.
Peut être Léon. J'aimerais savoir pourquoi et où. Existe t il une liste des fusillés 14 18
Merci
Rédigé par : m | vendredi 12 novembre 2010 à 14h04
Réhabiliter à titre posthume est bien, honnête et logique.
Dégrader à titre posthume un général assassin devrait être logique également, mais ça, personne jamais n'osera le soumettre à l'opinion publique ! Pauvre France !....
J'ai un oncle qui fut tué à l'ennemi également à SOUAIN un mois avant les malheureux caporaux fusillés pour l'exemple. Un mystère d'ailleurs demeure sur sa disparition - Il fut porté disparu le 12 Février 1915, mais la date portée sur le feuillet militaire est raturé, et la date officielle est le 13. Or sur les journaux de marche du régiment il n'y a pas eu de combat le 13 ? Fut-il abandonné mourant le 12 et enseveli par un obus le 13 ? Personne ne saura jamais la vérité. Il fut donc porté disparu. Son fils unique né peu avant sa mort fut lui aussi porté disparu en 1940 lors de la bataille de Dunkerque (naufrage de "la Bourrasque"). Ma tante ne pouvait donc se recueillir ni sur la tombe de son mari, ni sur celle de son fils.
Rédigé par : Pierre DELMOTTE | dimanche 06 décembre 2009 à 19h17
Merci pour votre site....La projection, le jour du 11 novembre, du téléfilm sur Blanche Maupas montre que les esprits changent. Souhaitons que la réhabilitation de tous ces hommes n'attendent pas 2014....
Rédigé par : Daniel | lundi 16 novembre 2009 à 14h41
Mon grand-père a été incorporé en 1915. Cette incorporation avait été repoussée 3 fois en raison de son poids qui était en dessous de la norme.
Donc il est parti "à la guerre" en 1915, il avait déjà perdu 2 frères disparus dès les premiers mois de la guerre et son frère Louis GIRARD fusillé la même année et réhabilité grâce à l'action de Mme Maupas.
Rédigé par : v. Girard | mercredi 11 novembre 2009 à 20h29
Aujourd'hui 11 novembre 2008, je découvre sur le site internet l'histoire des 4 caporaux fusillés pour l'exemple.
Les généraux morts dans leur lit, n'était pas des exemples. On le découvre avec le temps Joffre au siège de Maubeuge et Nivelle que mon grand prère qualifiait de boucher.
J'ajoute que j'ai accompli mon service militaire ente le 6/1/1965 et 30 avril 1966 au 15° Rald qui était cantonné à Suippes.
En conclusion la vérité triomphe toujours
Rédigé par : Loison | mardi 11 novembre 2008 à 20h44
Passionné par la grande guerre depuis de longues années, je viens de terminer un roman dans lequel j'évoque le quotidien de ces pauvres types. Vous trouverez ci-dessous un résumé de ce roman ainsi que ma position en faveur de la réhabilitation des fusillés pour l'exemple que je ne cesse de mettre en avant lors de la présentation de mon ouvrage.
Modeste démarche à la mémoire de ces hommes qui j'espère, un jour, seront reconnus.
Roman : LES BLESSURES DE L'AME, édité par la société des écrivains
Merci d'avance
Sincères salutations
Présentation :
Eric Viot, 43 ans, membre d’une association de recherches et études historiques sur la vie des Bretons pendant la grande guerre, passionné par cette période et en particulier par le quotidien des Poilus pendant ce conflit.
En 2004, sortie d’un premier ouvrage « Soldats Manceaux pendant la grande guerre » qui est un monument de papier à la mémoire des centaines de Manceaux morts pendant la grande guerre. Cet ouvrage est le fruit de nombreuses années de recherche.
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« Les blessures de l’âme », à mi-chemin entre le roman et le journal intime, présente le quotidien d’un instituteur pacifiste engagé dans cette « boucherie » que fut la première guerre mondiale et qui, blessé dans son âme, ne sera plus jamais le même. D’une lecture aisée, il se veut accessible au plus grand nombre et prend racine dans une documentation solide et manifeste sur ce conflit.
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« - J’ai voulu aborder dans ce roman des sujets qui me révoltent et mettre en avant le fait que bien souvent des vies auraient pu être épargnées :
Nos généraux ont consommé sans modération dans des offensives suicidaires, des milliers d’hommes sont morts sur le terrain par manque de soins, d’autres ont été exécutés juste pour l’exemple …
Le débat concernant les « mutins » de 1917 et plus largement les fusillés pour l’exemple oppose toujours la classe politique. L’Angleterre veut réhabiliter l’ensemble de ses soldats victimes de ces tribunaux improvisés.
N’est-il pas temps de faire la même chose en France ?
Au travers de cet ouvrage, on croise des hommes victimes de ces parodies de procès, bien souvent des hommes courageux qui un moment donné ont dit non à la folie d’une poignée de généraux aussi avides de promotions que désintéressés quant à la survie de leurs hommes ».
Ce n’est pas la « grande » histoire, celle des grandes batailles, de Nivelle, Foch, Joffre, Pétain ou d’autres personnages illustres qui me passionne, non, c’est celle de Georges, François, Arsène et tous leurs camarades qui alimentent les listes gravées dans la pierre des monuments aux morts.
Ce sont ces ouvriers ou paysans qui sont morts loin de chez eux et pour un grand nombre, l’ennemi n’est pas l’unique responsable de leurs disparitions … »
Rédigé par : viot | samedi 10 novembre 2007 à 10h00